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mardi 21 septembre 2010

Retour à Montréal



Où serais-je aujourd’hui, si à 13 ans, le 15 novembre 1979 plus exactement, je n’avais pas quitté mon Québec natal, ma ville de Montréal, mes amis Jacques et Michel, pour suivre mes parents et m’installer dans ce si petit village au fin fond de la Dordogne : Monpazier, village vieux de 700 ans avec une population d’environ 600 habitants et dont la moyenne d’âge devait friser les 100 ans! À vrai dire, ce n’est même pas à Monpazier que j’habitais mais plutôt dans la commune de Capdrot puisque les limites de Monpazier s’arrêtent à l’ombre de ses murs. Capdrot, c’est un petit village sans grand intérêt et où je n’ai mis les pieds que deux ou trois fois seulement.

Non, pour moi, c’est à Monpazier que j’habitais puisque c’est ce village que j’avais constamment sous les yeux. Je n’avais qu’à franchir le vallon qui nous en séparait et j’y étais en moins de 5 minutes, un peu plus si je m’amusais avec mes 6 voisines, des vaches qui n’étaient même pas noires et blanches comme les vraies vaches. Ou bien encore je pouvais parcourir les quelques 4oo mètres par la route qui passe devant la maison, marcher sur le mur du jardin de l’assassin de Monpazier, qui n’était pas encore un assassin à cette époque, passer au-dessus du lavoir – qui avait encore son toit dans ce temps-là – et ensuite devant le monument aux morts pour finalement arriver devant l’Hôtel de Londres à l’autre bout du village.

Le premier souvenir que j’ai de l’Hôtel de Londres c’est ce fameux lundi matin où papa m’avait déposé devant le grand platane où je devais attendre avec les autres jeunes du village l’autobus qui nous conduirait jusqu’à Beaumont, lieu où se trouvait le collège Léo Testut que j’allais dorénavant fréquenter en tant que demi-pensionnaire et je m’en souviens très bien, ce mot « demi-pensionnaire » m’avait terrorisé à l’époque. Je me souviens très bien aussi de ce silence lorsque je suis descendu de la voiture de papa sous le regard des autres jeunes, puis des murmures qui ont suivi jusqu’à l’arrivée de cet autobus scolaire – qui n’était même pas jaune-orange – dans lequel je suis monté le dernier. Tous les autres jeunes du village se sont assis au fond alors qu’il était vide et moi je me suis assis en avant, près du chauffeur. Ce que j’ignorais, puisque c’était la première fois de ma vie que je prenais un autobus scolaire, c’est que tout au long des 16 kilomètres qui nous séparaient du collège, l’autobus s’arrêterait pour faire monter d’autres jeunes élèves, jusqu’au moment fatidique où à un arrêt, une jeune fille monte et constate que je suis assis à sa place. Elle se retourne vers le chauffeur et lui dit :

- Mais m’sieur!? Il est assis à ma place!
- Tu n’as qu’à t’asseoir ailleurs! Lui répond-il.
- Mais m’sieur…!?
- Chut! Assis-toi!

L’autobus repart et moi je voudrais entrer dans le plancher tellement je suis mal à l’aise. En arrivant au collège le chauffeur me demande de rester dans l’autobus le temps que les autres descendent et une fois seuls il m’explique que ce soir au retour je devrai aller m’asseoir avec mes autres camarades à l’arrière. En quittant l’autobus je me dirige comme convenu vers le secrétariat où je dois transcrire mes horaires de cours avant qu’on me conduise ensuite vers une salle où se trouvent mes nouveaux camarades de classe.

C’est un peu drôle mais la première heure de la semaine, ma classe n’a pas de cours mais plutôt une période « d’étude » où on n’a rien de spécial à faire si ce n’est que de réviser nos leçons, finir nos devoirs, lire, enfin n’importe quoi mais dans le silence total car le « pion » surveille! Malgré tout j’en entends quelques-uns qui chuchotent dans mon dos.

L’heure d’étude terminée nous quittons cette salle et je suis mes nouveaux compagnons de classe dans une petite salle à l’extérieur, c’est là où nous serons donnés la majorité de nos cours. Premier cours de ce lundi matin : Anglais. Nous sommes tous assis dans la classe lorsqu’une petite femme d’un certain âge entre. C’est madame Viala, la prof d’anglais. Tous les élèves se lèvent, je les imite et la prof prononcent quelques mots en anglais et tous les élèves se rassoient, je fais de même, bien sûr! Puis la prof commence un long monologue en anglais puis au moment où elle se tait, tous les élèves se retournent vers moi et me regardent. Là je comprends que la prof a dû me poser une question mais comme je ne comprends pas un mot d’anglais, je lui dis avec mon accent français de France de la région :

-S’cusez madame mais si c’est à moi que vous vous adressiez, je n’ai rien compris car je ne parle pas anglais!

La classe entière est morte de rire sauf la prof qui est rouge de colère et qui a hurlé quelque chose en anglais qui devait vouloir dire « Silence » et m’a expulsé de la classe en me disant :

- Monsieur Lacombe, au bureau du directeur!

La déléguée de classe est venue m’y rejoindre quelques instants plus tard et lui a tendu un billet rédigé par madame Viala. Après en avoir pris connaissance, le directeur s’approche de moi et me dit :

- Comme ça monsieur Lacombe, vous prétendez ne pas parler anglais?

Non mais c’est pas vrai, personne dans ce foutu collège ne veut me croire! Il faudra que mes parents viennent jusqu’au collège pour expliquer au directeur qu’au Québec on parle en français et que normalement j’aurais commencé à l’apprendre cette année au Québec.

J’ai su plus tard à la récréation que lorsque Mme Viala avait été informé qu’elle allait recevoir un petit canadien dans sa classe, elle avait dit aux autres élèves :

- Vous allez pouvoir pratiquer votre anglais car dès la semaine prochaine vous allez avoir un nouveau camarade de classe originaire du Canada et il aura probablement bien besoin de vous car peut-être qu’il ne comprendra pas très bien le français! Pauvre elle, elle a dû avoir l’air d’une belle cruche!

À la pause du dîner, j’ai fait la connaissance d’un autre personnage coloré du collège; Le « surge ». Le surge, c’est le surnom donné au surveillant général, celui qui fait régner l’ordre dans le collège. Les élèves demi-pensionnaires comme moi, doivent se mettre en rang comme à la petite école et attendre le signal du surge pour se rendre jusqu’au réfectoire, au pas et en silence. Suis-je réellement à l’école ou à l’armée? Une fois rendu dans le réfectoire nous nous dirigeons vers nos places, qui seront les mêmes pendant toute l’année scolaire, et attendons le signal du surge pour nous asseoir. Puis une femme entre dans le réfectoire et dépose un plat sur chaque table de 8 personnes et nous nous servons. Quand le surge quitte le réfectoire, le silence disparaît aussitôt et les discussions commencent. Toutefois le silence réapparaitra à deux autres occasions pendant le repas quand le surge fait son entré. Il en sera ainsi tous les jours!

Après le repas nous sommes obligés de nous rendre dans la cour d’école et de marcher en rond en se penchant de temps à autre pour ramasser des « papiers » imaginaires pendant près d’une heure, soit jusqu’à la reprise des cours. Quoi? Je ne peux même pas sortir de ce foutu collège pendant l’heure du dîner? Mais c’est pire que l’armée, c’est une prison! Pendant ces 3 années scolaires passées ici, je n’ai jamais eu l’occasion de visiter Beaumont!

Le soir de cette première journée au collège, je n’avais qu’une idée en tête; retourner chez moi au Québec. Il me faudra presque 3 ans avant que mon vœu ne se réalise, mais à quel prix? Quitter mes parents à l’été de mes 15 ans.

Qui serais-je devenu si je n’avais jamais quitté la France? Probablement que j’aurais été dans un lycée pour y apprendre un métier mais lequel? Encore aujourd’hui je ne sais pas encore ce que j’aurais voulu faire alors à 15 ans… Une chose qui est certaine c’est que sous aucune considération je ne serais devenu agriculteur.

Mais qui sais!? Quel genre de vie aurais-je eue? Je n’aurais probablement pas fini vieux garçon car en France, un québécois ça « pogne » plus qu’un « maudit français » au Québec! Qui aurait été ma femme? Marie-Claude, ma jolie rousse aux yeux verts qui était plus vieille que moi de seulement 24 heures? Nathalie, la fille du boulanger? Tiens boulanger c’était un métier qui m’intéressait à l’époque! Sylvie, mon amour d’une fin de semaine lors du voyage de fin d’année? Evelyne, la petite-fille de l’assassin, qui semblait indifférente mais qui demandera de mes nouvelles à mes parents toutes les fois qu’elle les rencontrait et ce pendant plusieurs années? Anne-Marie, qui n’avait d’espagnol que son nom de famille? Fabienne, Chantal, Béatrice, Jeannette… combien en oublie-je?

Combien d’enfants aurais-je eu? Ma femme aurait-elle accepté de les nommer Adéodat, Cunégonde, Euclide, etc.?

Aurais-je été plus heureux? Je ne serais peut-être jamais revenu au Québec et je n’aurais jamais connu tous ceux qui sont devenus mes amis aujourd’hui. Alors non, je n’aurais pas pu être plus heureux!

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